Wall Street absorbe Euronext et prend pied en Europe

La Bourse de New York (Nyse) va s'étendre en Europe en absorbant la Bourse paneuropéenne Euronext (Paris, Amsterdam, Bruxelles, Lisbonne), donnant naissance à un gigantesque marché transatlantique qui sera de très loin la première Bourse mondiale.

Baptisé Nyse Euronext, le nouvel ensemble pourrait être rejoint par la Bourse de Milan, avec qui Euronext a entamé des négociations. En revanche, Euronext repousse les avances de la Bourse de Francfort, qui reste à l'écart.

Jeudi, le Nyse et Euronext ont annoncé un accord sur les termes de leur mariage, dont le principe avait été annoncé le 22 mai. La nouvelle société sera contrôlée par le Nyse qui en détiendra 59%, Euronext en conservant 41%.

Nyse Euronext sera fort d'une capitalisation boursière de 20 milliards de dollars (15 milliards d'euros) et la valeur de l'ensemble des entreprises qui y seront cotées atteindra 27.000 milliards de dollars (21.000 milliards d'euros), indiquent les deux sociétés dans un communiqué commun.

"Nyse Euronext regroupera 80 des 100 plus grands groupes cotés du monde" et représente "la meilleure combinaison", a lancé Jean-François Théodore, PDG d'Euronext, tandis que son homologue du Nyse John Thain vantait "un très bon accord stratégique et créateur de valeur".

M. Théodore s'est en outre dit prêt à accueillir au sein d'Euronext Borsa Italiana, gestionnaire de la Bourse de Milan. Un rapprochement pourrait aboutir avant même que la fusion avec le Nyse ne soit effective.
En revanche, Euronext a une nouvelle fois écarté les propositions de fusion de Deutsche Börse, opérateur de la Bourse de Francfort.

Pour John Thain, l'opération est un coup de maître dans la lutte qui l'oppose à son concurrent américain, le marché électronique Nasdaq, qui tente actuellement de prendre le contrôle du London Stock Exchange (LSE) mais se heurte à une forte résistance.

Nyse Euronext sera une société de droit américain, cotée à New York et Paris, avec un siège américain à New York et un siège international partagé entre Paris et Amsterdam, et Londres pour les produits dérivés.
Euronext avait acquis en 2002 le marché londonien des produits dérivés Liffe, une activité très lucrative où est également présent le Nyse.

Pour ménager la susceptibilité de ses alliés européens, le Nyse a accepté de partager les responsabilités à la tête du nouveau groupe. M. Thain sera PDG et M. Theodore PDG adjoint. Le conseil d'administration sera composé de 20 membres avec 11 pour le Nyse et 9 pour Euronext, avec une procédure de "super majorité" pour certains votes jugés "stratégiques".

Les gouvernements européens ont accueilli l'annonce avec une prudence un peu méfiante. Si Lisbonne n'y a pas vu d'objection de principe, Paris a promis d'exercer une "étroite surveillance" pour veiller au "maintien d'une activité forte en Europe et en particulier à Paris" et à "la régulation par les autorités de marché européennes pour les opérations réalisées en Europe".

Berlin a lui regretté qu'Euronext ait préféré Wall Street à la Bourse de Francfort, et plaidé pour rapprochement entre Bourses européennes.

Et le président de la Confédération des entreprises européennes, Ernest-Antoine Seillière, a estimé que "l'idée que ce sont les Américains qui vont devenir les maîtres des marchés financiers européens" crée "un sentiment d'échec pour la construction européenne".

Les échanges financiers sont déjà mondialisés, mais les investisseurs et les entreprises cotées veulent des transactions encore plus fluides.

Pour le Nyse, le rapprochement avec Euronext risque de mettre encore plus sous pression son modèle historique de négociations à la criée (le "floor"), alors qu'Euronext a depuis des années remplacé la "corbeille" par les échanges électroniques, plus rapides et moins coûteux.